Il y a fort longtemps existait un orc.
Il se nommait Krainpôl’ Grossklak’. Il était prêtre de Khelnor, et on disait de lui qu’il aimait honorer son dieu plus que de raison. Sa vie se résumait à effectuer les quêtes les plus dangereuses, mais les plus glorieuses, pour rendre son dieu fier de lui.... Et aussi par orgueil. Il prenait des risques inconsidérés, et on en voyait les traces sur son corps couturé de cicatrices, bosses et autres gracieusetés dont la nature ne l’avait pas doté.
Il était moche à voir, mais sa gloire et son charisme étaient immenses, et son nom était devenu synonyme d’inconscience. Mais ce genre de choses force le respect chez les orcs. Bientôt, de jeunes orcs dans la force de l’âge, qui partageaient la même sorte de folie que lui, le rejoignirent. Ils allaient combattre des dragons en pagne, réveillaient les familles de trolls au milieu de la nuit, provoquaient des hordes de géants à deux têtes.... Bref ils s’amusaient bien.
Les orquinots qui ne les connaissaient que de nom les reconnaissaient aisément, car, par bravade, ils ne portaient que ces petits boucliers de bois, portant des pics de métal, que l’on nomme rondaches. Posséder de pauvres boucliers en bois à visée offensive ne pouvait que mettre davantage en avant leur courage, et ils représentaient parfaitement leurs valeurs.
Ils avaient installé un campement fortifié dans un coin où pullulaient les trolls géants, une de leurs proies favorites.
Et un jour, incompréhensiblement, ces créatures, lassées des ravages qu’ils faisaient impunément parmi eux, semblèrent avoir l’intelligence de s’allier pour exterminer Krainpôl’ et ses amis. Le combat fit rage pendant deux semaines sans discontinuer, le sang coulait en épais flots noirs à l’intérieur du camp. Au moins, ils avaient de la nourriture à foison, même si la chair du troll est un peu dure. Mais les monstres étaient dix fois plus nombreux. Par fierté ou par inconscience, probablement les deux, ceux des rondaches ne demandèrent pas d’aide au village orc le plus proche.
Au bout des deux semaines de combat, les trolls finirent par s’épuiser, et se lasser, et ils repartirent dans leurs grottes.
Krainpôl’ regarda le dernier troll s’effondrer sous les coups de sa jeune fille. Epuisé, il laissa tomber son gourdin à côté de lui, dans un « ploc » bruyant. Il regarda ses genoux, a moitié noyés dans le sang troll et orc mêlés. L’oeil hagard, il essaya de reconnaître les rares survivants du carnage. Mais sa vue se brouillait. Il s’effondra dans le sang, éclaboussant avec force les derniers remparts debout. Sa fille se précipita vers lui pour recueillir son dernier souffle. Son dernier sourire. Il était si fier. Si fier de ses amis, si fier de lui, si fier de rejoindre Khelnor avec tant d’exploits à son actif.
Abattue, la fille de Krainpôl’, Prenhsta, ramassa la rondache de son père, dégoulinante de sang, puis rejoignit les rares survivants.
Ils redescendirent au village le plus proche, pour reprendre des forces, complètement écoeurés par l’odeur du sang.
Ils se lavèrent, eux et leurs armes, dans une large rivière, et on raconte qu’elle resta souillée de sang pendant une semaine. Et il fut impossible d’éliminer le sang d’entre les fibres du bois des rondaches. Elles en étaient à jamais imprégnées.
C’est depuis ce jour que l’on nomma ce klan : « Les rondach’ rouges ». En mémoire de cette bataille, une épreuve d’entrée était imposée aux nouveaux admis. Ils devaient combattre suffisamment pour imprégner leur rondache de sang à leur tour.
Prenhsta eut un fils, nommé Kronock Klagossrokt avec un certain Kjark Klagossrokt. Peu de temps après avoir accouché du petit orc, les dragons forcèrent les orcs à partir coloniser les grandes plaines du Nord, et les Rondach’ Rouges s’éparpillèrent et se perdirent de vue dans les moments chaotiques qui accompagnèrent cette période. Le klan s’éclata, et on n’en entendit plus parler que dans les contes des vieux, à la voix chevrotante, tentant d’inculquer courage mais également raison dans les jeunes esprits. Jusqu’à ce que...
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